Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monseigneur, bien tost après que ie vous eus faict
2une depeche et envoyé les lettres d’evocation, ie
3receue la votre du XVIe de ce moys et feus très aise
4de l’appoinctement qu’avez faict avec monsieur d’Uriage
5et de ce que nous ne nous hastames pas fort de présenter
6voz lettres que l’homme du receveur Lyonne nous avoit
7apportées. J’espère que le capitaine Spilly sera le pourteur
8de la présente, duquel la depêche eust esté ung licenciement,
9sans les novelles que l’on a receu des levées qui se font
10au Milanois. Plusieurs me disent par ceste court
11que de grandz affaires vous tumberont sur le bras si
12la guerre avec le roy catholique se déclaire.
13Monsieur, vous scaurez bien cependant donner advis,
14non une fois seullement, de l’estat de votre gouvernement
15au roy et de ce que vous y pourrés avoir de forces
16et du peu d’ayde que le pays vous pourroit faire de
17deniers et des mauvaises places qu’y sont. Je tiens
18pour certain que si on y faict lever autres companies
19que monsieur d’Hourches en aura la charge. J’ay pris
20occasion que me sembloit bonne de soliciter les deulx
21quartiers pour les mortespayes du Daulphiné, don
22les autres ont esté payées l’année passée, attendu
23les affaires que s’y peuvent presenter, mais ie n’y ay rien
24peu advancer encor. Je vous supplie en escrire
25au roy et à Monsegneur. Je vous envoye les provisions
26desdites mortespayes, vérifiées par messieurs les trésoriers
27de l’espargne, de quoy il vous plaira les advertir
28les capitaines. Les nouvelles se sont changées puys ce
29que ie vous ay escrit du duc de Medina, car ceulx de
30la religion tiennent asseuré qu’il a perdu tous
31ses hommes et ses deniers en une charge que les
32[v°] Onestragueulx, qu’ilz appellent, luy firent sur mer,
33deniers, mais ont esté mis à fondz, ouy d’une grande
35richesse d’argent, d’espiceries et autres biens que plusieurs marchandz
36conduisoint, qui par seurté s’estoint joinctz audit duc.
37Les Onestragueulx sont les gueulx d’eau ou de mer.
38Les catholiques ne peuvent bien croire telle nouvelle
39de la perte des hommes. Tous conviennent à la
40perte des deniers. Le sieur de Janlis est arrivé avec
41la novelle en ceste cour, tousiours pour emouvoir le
42roy à se déclairer en ceste guerre s’ilz peuvent ;
43pour à quoy parvenir, ilz n’oblient invention ny artifice.
44Ilz promettent au roy sur la teste de ceulx qu’il
45voudra retenir en hostage que la plus part des villes
46de Flandres se déclaireront pour luy s’il les veut
47advouer et qu’elles voyent marcher une armée.
48Ilz disent encor qu’il y a ung très mauvais menage
49entres le duc d’Albe et celuy de Medina et que
50le duc d’Albe n’a sceu ny peu mettre trois mil
51hommes de pied ensemble, que le prince d’Orenge
52a rompu deulx mil chevaulx et quelzques
53gens de pied que l’archevêque de Cologne avoit
54levé pour le service du roy chatolique. Touttesfoiz,
55on ne pense pas qu’ilz puissent gaigner ce poinct
56sur non sur la particulière volonté du roy, mais sur
57le sage advis de son consel, par lequel sa maiesté
58se conduira du tout en cest affaire. Si semble-t-il
59estre impossible et inevitable que l’ung n’attire
60l’autre puis que ce sont les subgetz du roy qui font
61ceste guerre en Flandres et qui l’ont entreprise eulx
62mesmes qui vont et viennent de leur armée yci ce
63[f° 193] que l’Espagnol prendra assez pour une declaration
64ouverte. Je me suis trouvé en des lieux où l’on se
65dispensoit de dire que luy auroit poinct d’interestz
66au roy quand le roy catholique pren-
67droit quelque advantage sur le marquisat de
68Saluces et Daulphiné et Provence, pourveu que
69le roy se voulut servir et ayder du moyen qu’il a sur
70tous les Pays-Bas. Je n’oys pas patiemment telles reveries.
71Monsieur l’amiral est toujours en ceste ville avec
72quelquez fiebvre terminée. On parle des nopces
73au XXVe de jullet.
74Monsieur, monsieur de Villeroy m’a dict que dès
75l’heure qu’il eust leu votre lettre au roy du XVIe, il
76alla par son commandement dans la chambre où
77se tenoit le conseil pour les finances, parler à
78messieurs du conseil de pourveoir à votre payement, lesquelz
79trouvarent bien estrange le mauvais traictement
80que vous avez receu, luy dirent qu’ilz avoint donné
81assignation pour VIII moys de la présente année et comme
82ilz ordonneroint des autres quatre moys qu’ilz
83regarderont de vous faire assigner pour une partie de voz
84arrerages. Je vous supplie croyre que ie n’ay esté
85négligent à en parler fort souvent à leurs majestés
86et à Monsegneur, mais c’est tousiours une responce
87qu’ilz y feront pourvoir.
88Je ne scay quelle response on vous faict sur la forme
89de faire vivre la gendarmerie ; j’ay fort pressé monsieur
90de Villeroy de vous y faire respondre. il m’appella
91hyer matin, sortant du conseil, et me dict que
92jusques alors, on n’avoit prins autre resolutions, sinon
93de leur faire faire monstre incontinent.
94J’ay veu ung extraict ce soir qu’on dict estre d’une lettre
95du sieur de Mondoucet, agent pour le roy près le duc d’Albe,
96qui porte ce que i’en escris à monsieur le president Truchon
97de la cotte du duc de Medina. Dieu vous conserve
98en très longue vie. A Paris, ce XXVIe juin 1572
99vostre humble serviteur
100[marge gauche : Le capitaine Spilly a faict toutte la diligence
101et aspre solicitation qu’il a peu.]
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